Le procès sur le détournement présumé des fonds publics dans le cadre du projet agro-industriel de Bukanga-Lonzo s’est poursuivi ce mercredi 23 avril à la Cour constitutionnelle, en l’absence des principaux prévenus : l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo, l’ancien gouverneur de la Banque centrale Déogratias Mutombo, et l’homme d’affaires sud-africain Grobler Christo Stephanus.
Face à leur refus de comparaître, la Cour a décidé de les juger par défaut, balayant les arguments avancés et réaffirmant l’indépendance de la justice vis-à-vis du pouvoir législatif.
Dans une lettre adressée à la Cour, Matata Ponyo a évoqué ses immunités parlementaires pour justifier son absence. Ce dernier affirme agir conformément à une décision de l’Assemblée nationale du 17 avril 2025. Il estime que, sans une levée préalable de son immunité, les poursuites seraient inconstitutionnelles.
Cependant, Dieudonné Kamuleta, président de la Cour constitutionnelle, a rejeté cette interprétation.
« Le prévenu Matata nous a adressé une lettre pour réclamer le respect de ses immunités parlementaires. Mais la Cour n’a pas connaissance d’une quelconque décision ou prise de position officielle de l’Assemblée nationale. ».
Il a rappelé que l’article 151 de la Constitution interdit toute injonction ou interférence de l’Assemblée nationale dans les affaires judiciaires.
« L’Assemblée nationale ne peut ni donner d’injonction au pouvoir judiciaire, ni intervenir dans un procès en cours. L’indépendance du pouvoir judiciaire est consacrée et l’interaction entre institutions doit être respectée. »
Et d’ajouter : « Les députés peuvent parler, ils sont libres, mais l’institution Assemblée nationale n’a pris aucune position officielle. ».
Quant à Grobler Christo Stephanus, son absence a été motivée par un rapport médical émanant d’un médecin à l’étranger, à la suite d’une chute dans les escaliers. Mais ce justificatif n’a pas convaincu la Cour.
« La loi est claire : pour qu’un rapport médical soit pris en compte, il faut la signature de trois médecins. Ce document n’en comporte qu’une seule, venue de l’étranger », a précisé Kamuleta.
Les avocats de Déogratias Mutombo ont, de leur côté, évoqué un séjour médical à l’étranger sans fournir les preuves jugées suffisantes par la juridiction. Le procureur général près la Cour constitutionnelle s’est montré particulièrement virulent à l’égard de Matata Ponyo, dénonçant une attitude de “moquerie envers la justice”.
« Si on a des droits, on a aussi des devoirs. Et un des devoirs imposés à toute personne, c’est le respect de la justice. Monsieur le Président, il est inacceptable que le prévenu puisse narguer la plus haute juridiction du pays. Ce ne sont pas les individus qu’on nargue, mais c’est le pays à travers cette haute juridiction qu’on est en train de narguer aujourd’hui. »
Le magistrat a également contesté l’argument d’immunité : « Les immunités ne sont pas synonymes d’impunité. S’agissant de Matata Ponyo, il était déjà sous l’effet des poursuites lorsqu’ il a acquis le statut de député national. »
Il accuse l’ancien Premier ministre de manœuvres dilatoires.
« Il use de subterfuges, de dilatoires et d’affabulations pour se soustraire à la justice. »
Ce procès porte sur la gestion controversée du projet Bukanga-Lonzo, un méga-projet agro-industriel censé favoriser l’autosuffisance alimentaire de la RDC, mais qui s’est soldé par un échec retentissant et des soupçons de détournement de plusieurs centaines de millions de dollars.
Matata Ponyo, qui fut Premier ministre entre 2012 et 2016, est au cœur des accusations. Le parquet l’accuse d’avoir orchestré un vaste système de malversations, en complicité avec ses coaccusés.
Malgré l’absence des prévenus, le procès suit son cours. La Cour a clairement indiqué qu’aucune considération politique ou institutionnelle ne saurait entraver le bon déroulement de la justice.
« Se faisant, nous continuons », a conclu le président Kamuleta.
CTMAMPUYA