À l’occasion du 12ᵉ anniversaire de l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba pour la paix, la sécurité et la coopération en République démocratique du Congo (RDC) et dans la région de grands lacs, Dr Denis Mukwege a dénoncé une « menace existentielle sans précédent » pesant sur le pays, en raison de l’agression rwandaise qui perdure depuis plus de 25 ans dans l’Est du territoire.
Le prix Nobel de la paix 2018 met en garde contre une invasion qui dépasse le simple cadre d’un conflit armé, évoquant une annexion progressive des territoires occupés. Il dénonce la mise en place d’« administrations parallèles illégitimes », instaurées par les rebelles du M23 avec le soutien de l’armée rwandaise dans les zones qu’ils occupent, en violation du droit international et de la Charte des Nations unies.
« La République Démocratique du Congo subit une menace existentielle sans précédent depuis plus de 25 ans, avec l’agression du régime de Kigali et l’invasion de larges pans du territoire national, qui prend le visage d’une annexion », a-t-il déclaré.
Mukwege rappelle que cette occupation se fait en méprisant les appels au cessez-le-feu et au retrait des forces d’occupation, plongeant des millions de Congolais dans l’insécurité et la détresse humanitaire.
L’Accord-Cadre d’Addis-Abeba, un espoir trahi.
Signé le 24 février 2013, l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba était censé apporter la paix et la stabilité dans la région des Grands Lacs. Ce pacte réunissait la RDC, les pays voisins et la communauté internationale autour d’engagements visant à traiter les causes profondes des violences armées.
Toutefois, Mukwege constate avec amertume que les promesses de cet accord n’ont jamais été tenues.
« Malgré l’espoir suscité, les promesses sont loin d’être réalisées. Il est regrettable de constater que le manque de volonté politique des autorités congolaises, couplé à la mauvaise foi des États déstabilisateurs de la région et au déficit de mobilisation diplomatique des institutions co-garantes, aient abouti au pourrissement d’une situation qui menace aujourd’hui la paix et la sécurité internationales. »
Pour lui, l’inaction des signataires et des garants de l’accord a permis l’escalade du conflit, mettant en péril non seulement la souveraineté de la RDC, mais aussi la stabilité régionale.
Face à la gravité de la situation, Denis Mukwege exhorte la communauté internationale à dépasser les simples déclarations et à prendre des mesures concrètes contre les agresseurs de la RDC.
« Il n’est jamais trop tard pour agir et adopter des mesures urgentes et décisives pour faire pression sur les forces d’agression et d’occupation et endiguer l’escalade de la crise. Les pays et les institutions partenaires de la RDC, notamment les co-garants de l’Accord-Cadre, ne peuvent plus accepter ou tolérer ces violations flagrantes du droit international sans réagir avec fermeté. », dénonce le docteur Mukwege.
Le prix Nobel de la paix insiste sur l’urgence d’imposer des sanctions économiques et diplomatiques aux États impliqués dans le soutien aux groupes armés. Il appelle également à la suspension de toute coopération militaire et sécuritaire avec les pays qui alimentent la guerre dans l’Est de la RDC.
Pour Denis Mukwege, la RDC ne doit plus être sacrifiée sur l’autel des intérêts géopolitiques et économiques des grandes puissances. Il rappelle que le peuple congolais, à l’instar de tous les autres peuples du monde, a droit à la souveraineté et à la paix.
« À l’instar de tous les peuples, la Nation congolaise a le droit de disposer d’elle-même et de vivre en paix », a-t-il martelé.
Mukwege appelle ainsi à un sursaut de la communauté internationale pour mettre fin à l’occupation et aux crimes commis contre les populations congolaises.
Il insiste sur la nécessité d’une mobilisation collective pour restaurer la paix et la dignité du peuple congolais, en mettant fin à l’impunité et aux compromissions qui ont trop longtemps alimenté le chaos dans la région.
CTMAMPUYA