Au moins treize (13) cultivateurs ont été arrêtés, leurs champs dévastés et cases incendiées par les gardes du parc de l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN), jeudi 20 et vendredi 21 mars 2025, vers Nyaleke rive gauche, à Beni, dans la province du Nord-Kivu, dans l’Est de la RD Congo.
Au cours de cette opération, des bananiers, cacaoyers, papayers et d’autres produits pérennes et maraichers ont été détruits et au moins treize (13) cultivateurs arrêtés et conduits à Mutsora, puis au Parquet de Beni où leurs dossiers sont en cours d’instruction. Des machines tronçonneuses, motos et autres biens ont également été emportés ou détruits. Il s’agit des conséquences d’un conflit des limites opposant, depuis plus de dix (10) ans, l’Institut Congolais pour la Conservation de la Naturelle (ICCN) aux cultivateurs de Mayangose, dans la région de Beni.
Parmi les victimes, figure Kambale Visika, sa case a été incendiée et d’autres biens vandalisés.
« Les gardes parc sont arrivés ici et ont dit qu’ici, c’est leur partie, alors que ce sont nos champs. Ils ont brûlé les cases, ils ont emporté. Ils ont emporté trois (3) tronçonneuses, trois (3) motos et arrêté treize (13) personnes. Ils sont revenus pour brûler ici chez mois. Nous ne savons plus comment vivre, car nous n’avons rien à Beni. C’est ici qu’il y a tout notre espoir », a-t-il regretté.
Reconnu comme chefferie, l’ICCN a toujours considéré Mayangose comme une partie du Parcs National des Virunga (PNVi). L’Union des Agriculteurs, Pêcheurs et Éleveurs du Congo (UAPECO), renseigne que les cultivateurs n’ont même pas encore atteint les limites du Parc National des Virunga (PNVi). Kasereka Mapatano, membre du Comité, demande au Gouvernement congolais d’intervenir dans cette affaire pour clarifier les limites, longtemps à la base du conflit les opposant à l’ICCN.
« Nous voulons que le Gouvernement nous départage à cause de cette limite ou qu’il fasse une limite entre la ville et le territoire. Et autre chose que nous voulons, c’est d’aller à la justice, afin qu’elle nous juge pour chercher des voies et moyens conduisant à la paix durable dans nos champs », a-t-il plaidé.
Qu’en est-il des démarches parlementaires ?
Le député national Elie Vahumawa, élu du territoire de Beni, rassure avoir entamé des démarches auprès de l’ICCN, Ministère de l’environnement et celui de l’intérieur, en vue de trouver une solution dans ce conflit « chronique ».
« C’est diabolique même satanique, ce qui vient de se passer à Mayangose. Non seulement Mayangose, nous avons vu ça vers Karuruma et ailleurs où nous avons vu les gardes parc venir détruire méchamment les cultures de la population. On ne peut pas accepter que, ça puisse continuer. Je ne suis pas partisan de ceux-là qui encouragent les gens à cultiver le parc, mais j’ai démontré déjà ici à Kinshasa, l’impératif de voir une délimitation définitive entre l’ICCN et la population. Parce qu’on peut pas accepter, alors que le pays traverse le moment difficile de la guerre ici et là que de l’autre côté, au niveau interne, que l’ICCN commence à imprimer des comportements qui exacerbent déjà le conflit qui existe entre l’ICCN et la population. J’ai saisi immédiatement l’ICCN, le Ministre de l’environnement et le Ministre de l’intérieur parce que si on n’y voit pas une menace, ça serait pas bien voir les choses », a-t-il indiqué. L’élu du peuple insiste sur une solution durable et propose la mise en place d’une commission mixte, constituée des coutumiers, notables, parlementaires et membres du Gouvernement. Objectif : descendre sur le terrain, en vue de placer des limites entre le parc national des Virunga et la chefferie. À l’en croire, le Procureur près le Tribunal de Grande Instance de Beni, le Gouverneur du Nord-Kivu, l’Administrateur doivent se saisir de cette affaire pour éviter le pire.
Tentative de solution
Lundi 24 mars, le Parc National des Virunga (PNVi) a reçu, à la station de Mutsora, située dans le secteur de Ruwenzori, une importante délégation des représentants des agriculteurs de Mayangose et des leaders locaux de Beni. Conduite par Nyonyi Bwanakawa, maire honoraire de Beni, Mwami Atsu Taibo, chef des villages des Bapakombe-Bakondo et l’honorable Elie Mbafumoja, élu de la ville de Beni, cette délégation est venue exprimer son souhait de voir la stabilité rétablie autour de Mayangose, à la suite d’une opération menée la semaine précédente par les écogardes dans la zone. Selon la cellule de communication du PNVi, cette intervention a entraîné la « destruction de champs installés illégalement dans le parc ainsi que l’arrestation de plusieurs agriculteurs exploitant ces terres protégées ».
Au terme des échanges, Rodrigue Mugaruka, Directeur et Chef de site adjoint du PNVi, a salué la volonté de dialogue de la délégation et son approche pacifique dans la recherche de solutions. Il a toutefois rappelé que la véritable stabilité repose sur le respect strict des lois relatives aux limites du parc dans cette zone. De son côté, Méthode Uhoze, Directeur des Relations Extérieures du PNVi, a précisé que les limites du parc n’ont jamais été modifiées depuis 1950. Il a souligné que seule la commission de 1948 avait eu le mandat d’examiner la question des limites du parc et, le cas échéant, de les modifier. Depuis, toutes les autres missions, y compris celle de 2013 qui concernait Mayangose, n’avaient qu’un rôle de constatation et n’avaient aucun pouvoir de redéfinir les limites. Il a insisté sur l’importance pour tous les acteurs de se référer aux limites légales, corroborées par le rapport des experts de 2010.
Au cours des discussions, les représentants des agriculteurs et ceux du PNVi ont échangé dans un climat apaisé, mettant en avant la nécessité de la collaboration et la préservation de la quiétude sociale, sans pour autant compromettre les impératifs de conservation. A l’issue de la rencontre, il a été convenu d’organiser une prochaine réunion, au cours de laquelle chaque partie devra présenter des propositions concrètes pour aboutir à une solution durable.
Créé en 1925, le Parc National des Virunga est la zone protégée la plus riche en biodiversité d’Afrique, abritant plus d’un millier d’espèces de mammifères, d’oiseaux, de reptiles et d’amphibiens ainsi qu’un tiers des gorilles de montagne menacés d’extinction dans le monde. Situé à l’extrémité orientale du bassin du Congo, la deuxième plus grande forêt tropicale du monde, Virunga est connu comme le Parc du feu et de la glace pour ses divers habitats allant des sommets du Ruwenzori à la savane et aux plaines volcaniques. Bien qu’ils soient classés au patrimoine mondial de l’UNESCO, les Virunga seraient constamment menacés par la guerre, le braconnage et les activités illégales, ainsi que par des catastrophes naturelles imprévisibles.
Fabrice Ngima