Plusieurs organisations citoyennes et des jeunes écologistes exigent l’annulation de la loi de ratification de l’accord sur l’exploitation du pétrole, dans les Lacs Édouard et Albert ainsi que dans le Parc national des Virunga, en RDC.
Une campagne dénommée « Notre terre sans pétrole » a été lancée, depuis mercredi 22 janvier 2025 par quelques jeunes écologistes et activistes pro-environnementaux, dans l’objectif de sensibiliser la population locale à dire « non » à ce projet qui, selon eux, constitue une « menace énorme contre l’humanité ».
Ces activistes écologistes mènent cette campagne en parcourant les rues et avenues de la ville de Beni. L’un d’eux, c’est Shabani Loswire, œuvrant au sein de l’organisation « Extinction Rébellion », qui demande au Gouvernement congolais de mettre fin à cet accord qui menace l’environnement et le climat.
« Cette campagne vise à exiger spécialement l’annulation de l’accord promulgué le 30 décembre par le Président Félix-Antoine Tshisekedi. Cet accord dit que le Congo et l’Ouganda vont désormais exploiter en commun le pétrole sur les sols congolais et ougandais. Étant éco-activistes, reconnaissant les conséquences, nous nous sommes réunis et nous inscrire en faux sur cette probable exploitation. Non seulement, parce qu’il y a une partie du Parc des Virunga qui sera menacée, mais aussi nous savons que, lorsqu’il y a des industries d’exploitation du pétrole, il y a la pollution ; il y a vraiment plein de choses qui affectent directement la santé humaine », a-t-il déploré.
Quelles sont les conséquences de l’extraction du pétrole sur l’environnement ? Le reporter de Yabisonews.cd a posé, jeudi 23 janvier 2025, cette question au Chef de Travaux Prosper Kirimanzi, enseignant d’universités et expert en eaux et forêts. Parmi les conséquences, cet environnementaliste a cité celles qui touchent non seulement les hommes, les animaux et les plantes.
« Sur le plan environnemental, il y a plusieurs conséquences, notamment lorsqu’il y a l’exploitation du pétrole, ça se fait sur de grandes zones. Si par exemple, le pétrole est retrouvé dans les zones où il y a une grande quantité d’espèces végétales et animales, la première des choses, on doit créer des routes pour accéder à ces ressources là, et la deuxième des choses, on va déforester, si ça se trouve dans le sous-sol et cela par exemple à l’intérieur d’une aire protégée comme le Parc national des Virunga. Par exemple, dans la forêt, on sera obligé de couper les arbres. La première des choses, ça va provoquer le réchauffement climatique, puisque lorsqu’on coupe la forêt qui séquestrait les gaz à effet de serre, automatiquement, il y aura l’évaporation. Si l’exploitation se fait au niveau des cours d’eau ou des lacs, on récupère le pétrole, mais au même moment, une quantité de pétrole qui va se déverser dans les lacs, ça va créer la pollution de l’eau des lacs, ce qui est corrélé avec la disparition de certaines espaces, dont les poissons », a-t-il révélé.
Et d’ajouter : « Si par exemple, on a exploité une zone où le cours d’eau est utilisé comme eau de boisson, automatiquement, la qualité de l’eau de boisson va aussi directement être affectée, et ça peut avoir des effets sur ceux qui boivent ; ils peuvent avoir des problèmes de diarrhée, maux de ventre. Sur le plan sanitaire, ça va impacter l’homme ».
L’environnementaliste Prosper Kirimanzi a suggéré ainsi aux autorités du pays de chercher des experts en environnement, capables de mesurer l’impact de l’extraction du pétrole au sein de la communauté. Cela leur permettra, soutient-il, de prévenir les conséquences fâcheuses de ce projet.
Il est soutenu par le Président de la Coordination urbaine de la Société civile de Beni. Maître Pépin a encouragé, vendredi 24 janvier 2025, le Parlement « à barrer la route » à l’exécution de l’accord portant sur l’extraction du pétrole sur le sol congolais.
« Nous tous ensemble, toute la population, devons nous inscrire en faux contre l’exploitation du pétrole dans notre pays. Je pense que, les deux (2) chambres du Parlement doivent chercher à aller à l’encontre de l’application de ce traité que le Chef de l’État a signé, vu les conséquences néfastes de ce que peut entraîner le pétrole », a-t-il indiqué.
À titre de rappel, le Président congolais Félix Tshisekedi a promulgué le 30 décembre 2024, la loi N°24/022 du 30 décembre 2024 autorisant la ratification de l’accord de coopération et son avenant sur l’exploitation des hydrocarbures et des gisements communs entre le Gouvernement de l’Ouganda et celui de la RDC. Cet accord bilatéral date de 1990, alors que son avenant date de 2008.
Les organisations de la Société civile estiment que, cet accord constitue une menace directe pour le climat, l’environnement et les communautés locales, notamment celles vivant aux abords des lacs Albert et Édouard ainsi que pour le parc des Virunga. D’après ces organisations, cette loi, qui affirme dès son préambule que la RDC est un pays « à vocation minière, pétrolière et gazière », entre en totale contradiction avec le slogan qui présente la RDC comme « un pays solution » à la crise climatique. En soutenant une exploitation accrue des hydrocarbures avec l’Ouganda, cet accord renforce aussi le projet controversé EACOP (East African Crude Oil Pipeline) et ses projets d’exploitation de pétrole associés.
En effet, les blocs pétroliers dans l’Est du Congo étant sur des territoires enclavés, leur exploitation de façon rentable implique la possibilité de transporter ce pétrole via l’EACOP, et les Gouvernements congolais et ougandais ont d’ailleurs déjà fait des déclarations en ce sens. Ce méga projet pétrolier, qui prévoit le transport de brut entre l’Ouganda et la Tanzanie, pourra provoquer le déplacement de plus de cent mille (100 000) personnes et menace directement le lac Victoria, duquel dépendent plus de quarante (40) millions de personnes ainsi que le parc naturel des Murchison Falls en Ouganda.
Fabrice Ngima