La ville de Beni, hébergeant des milliers d’habitants, connaît le phénomène d’exploitation économique des enfants, dans cette partie de la province du Nord-Kivu, dans l’Est de la RD Congo.
Ils sont nombreux ces enfants en âge scolaire qui sont exploités à des fins économiques en ville de Beni. Ces enfants parcourent, nuit et jour, les rues et avenues avec des œufs, cacahuètes, noix de cola, gingembre, arachides,… pour les revendre chez les passants ou au sein des hôtels et bars. Certains enfants se font même enlever en effectuant ce travail en ville.
Le Président du Parlement d’enfants de Beni dit être préoccupé par ce phénomène qu’il qualifie de violation des droits des enfants. Eloge Bwanakawa a peint un « tableau sombre » de la situation des enfants à Beni, une région en proie à l’insécurité chronique.
« C’est avec beaucoup d’amertume que nous sommes en train de constater qu’il y a un bon nombre d’enfants qui sont exploités économiquement, en vendant des oeufs en cours de route et d’autres (filles, ndlr) qui sont dans des boîtes de nuit et dans des bars, où on vend de la boisson, où ils sont aussi exposés à l’exploitation sexuelle. Cela est un acte ignoble », a-t-il déploré.
Exploitation économique de l’enfant, un manquement punissable
Les reporters de Yabisonews.cd ont rencontré, jeudi 27 février 2025, Maître Jeanpy Mbango, Avocat au Barreau de la Tshopo. Cet auxiliaire de justice a brandi la loi portant protection de l’enfant.
« Le législateur congolais a tout prévu. Et là, nous recourons à la Loi N°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant. Le législateur dit non à cette pratique. C’est de l’exploitation économique, d’autant plus que l’enfant n’a pas de discernement. Pour dire, il n’a pas la possibilité de donner son avis, mais c’est la pauvreté de nos familles qui est à la base tout ça. Au lieu d’étudier, il va circuler parce qu’il y a impossibilité de se retrouver au niveau de la famille. Selon l’article 166 de la loi portant protection de l’enfant, quiconque utilise l’enfant à des fins économiques sera condamné au paiement d’une amende allant de 200 000 à 500 000 francs congolais », a-t-il expliqué.
Apprentissage des métiers pour l’enfant ?
Selon Maître Jeanpy Mbango, cette question n’a pas sa raison d’être, car soutient-il, l’enfant est épargné du travail par la loi le protégeant.
« L’apprentissage des métiers, nous disons non pour l’enfant, étant donné qu’il n’a pas l’âge d’apprendre les métiers. Mais, au contraire, la place de l’enfant, c’est à l’école. Pour dire, les enfants là qui circulent avec des histoires là pour des fins économiques, c’est en violation de leurs droits. Pour l’enfant, la loi parle des travaux légers. Par l’enfant, la loi parle des travaux légers. Pour dire, l’enfant s’il travaille et puis l’enfant émancipé ; et l’émancipation se fait toujours par son juge naturel. On dit les travaux légers, par exemple, le ramassage des papiers. Et il ne peut pas travailler pendant plus de 4 heures par jour », a-t-il fait savoir.
L’insécurité et la pauvreté à base de l’exploitation économique des enfants
Le Secrétaire administratif du service urbain du genre, famille et enfant à Beni déplore également l’exploitation économique des enfants. Fabrice Baraka Vihamba évoque l’insécurité et la pauvreté parmi les causes qui poussent certaines familles à exploiter les enfants à des fins économiques.
« Ces enfants sont exposés à plusieurs risques, notamment les accidents, le recrutement par les groupes armés. Comme vous le savez, nous vivons des moments très critiques qui sont caractérisés par les conflits armés. Parmi les facteurs qui favorisent ces enfants à se déverser dans la rue en train d’effectuer ce genre d’activités, on peut citer l’insécurité, la pauvreté des parents, l’instabilité politique, le chômage, l’absence de couverture sociale. Parfois, nombreux subissent des violences sexuelles », a-t-il regretté.
Ainsi, il a demandé aux autorités ayant dans leurs attributions la protection des enfants de sensibiliser la communauté, parce qu’elle ignorante en matière d’enfants ; pas seulement la communauté, mais, je vois spécifiquement les parents qui ne savent rien.
La Police dans la course
À Oicha, une commune, située à environ trente (30) kilomètres au Nord de Beni, la Police Nationale Congolaise (PNC) annonce la « traque » de tout enfant de moins de quinze (15) ans qui sera trouvé exerçant une activité commerciale ambulatoire.
La décision a été prise au cours de la parade hebdomadaire du lundi 23 fevrier dernier au bureau de la commune d’Oicha. Au cours de celle-ci, la Police a exprimé sa désolation face aux mineurs qui sillonnent les bars et hôtels. Ils y sont visibles nuit et jour, porteurs des œufs, des noix de cola, des arachides et autres produits. D’autres sont ceux qui sillonnent le marché central de la commune précitée et environs, faisant la vente des légumes.
Le Bourgmestre adjoint d’Oicha a menacé d’interpeler même ceux qui les utilisent ces enfants. Jean De Dieu Kambale Kibwana a appelé ainsi les éléments de l’ordre à traquer ces enfants. En cette même occasion, il a prévenu que les parents de ces derniers et tous ceux qui exploitent illicitement l’enfant seront sanctionnés.
« Des sanctions qui vont s’étendre jusqu’aux tenanciers des bars où ces enfants seront arrêtés », a-t-il insisté.
C’est depuis plusieurs décennies que, la région de Beni est confrontée à la guerre. Celle-ci est marquée par des attaques meurtrières qui provoquent plusieurs conséquences, dont les déplacements des populations civiles, la perte des capitaux et tant d’autres.
Fabrice Ngima