Des femmes se contraignent de déféquer dans les sachets et des apprenants à faire pipi derrière les bâtiments scolaires suite à l’insalubrité dans les toilettes en milieux publics à Butembo, à l’est de la République démocratique du Congo. Pendant que les environnementalistes entrevoient un danger communautaire, les professionnels de la santé encouragent le nettoyage régulier avant et après usage des lieux d’aisance, en attendant des solutions durables.
A l’entrée de la concession qui héberge l’école primaire Matengenezo, en commune de Vulamba, où nous avons été mercredi 29 janvier 2025, une odeur nauséabonde se mêle à l’air que respirent les écoliers de 7 heures à 13 heures. Ici, 13 trous aux maisonnettes construites en planches servent de toilettes pour un effectif d’au moins 700 écoliers. « Tu arrives dans chaque toilette, tu trouves des matières fécales partout. Déjà les tôles des toilettes suintent tout le temps qu’il pleut. Dehors, on se retrouve en sécurité même si on s’expose aux gens qui peuvent nous surprendre », se décharge cette écolière qui venait d’ouvrir un total de 6 portes sans trouver dans laquelle entrer.
Deux jours après, nous nous sommes rendus au marché central de Butembo où s’effectuent plusieurs opérations sociales liées à la vente d’habits usés, de nourritures, objets classiques et autres biens de première nécessité. Dans ce marché fréquenté par plusieurs centaines de vendeurs et clients, seulement trois portes accessibles moyennant 300 ou 500 Francs congolais, pour le petit ou le grand besoin, sont ouvertes au public. Là aussi, l’insalubrité est doublée à l’insuffisance de toilettes.
« Nous, nous allons très loin pour nous débrouiller. Les toilettes sont tout le temps sales. Même l’eau que nous pouvons utiliser, est loin de ces toilettes. Des fois, on se décide de faire nos besoins dans les sachets que nous jetons lorsque nous rentrons à la maison », déclare Clara Gentille.
La situation est similaire dans les enceintes du parking public La Victoire située au Nord de la ville de Butembo, en direction de Beni. Buhingi Isse Keya, conseiller au sein de ce parking, affirme que certaines toilettes sont même déjà bouchées et ne sont pas bien entretenues. Il attribue la faute aux autorités de la ville « qui ont confié ces toilettes à un particulier ». Pour lui, « ce percepteur des frais d’usage de ces toilettes, ne veut pas octroyer la responsabilité de ces toilettes au parking La Victoire ».
Un danger environnemental et sanitaire
Le groupe Académia, une Organisation locale qui intervient dans le domaine de l’environnement, témoigne de cette situation dans les toilettes en milieu public. Le coordonnateur Kakule Vutsapu Michael prévient tout de même que les sachets avec les urines et matières fécales présentent un danger environnemental pour la ville de Butembo.
« Lorsqu’il pleut, ces saletés se mélangent avec l’eau de pluie et altèrent directement l’environnement. Vous savez bien que dans certains ménages, les gens se servent de l’eau des rivières soit pour lessiver, soit pour torchonner leurs maisons ou autres travaux. Les habitants de Butembo courent vraiment le risque de contamination », prévient-il.
Les professionnels de la santé parlent du risque de contracter les infections urinaires ou autres maladies, à force de se servir des toilettes sales. En attendant des solutions durables, Docteur Lydie Kyaviro conseille les propriétaires de ces toilettes de les nettoyer avant et après chaque usage.
« Une toilette publique peut recevoir, par jour, 100 personnes. On doit nettoyer cette toilette après chaque usage. La propreté est vraiment primordiale. Pour les toilettes les toilettes modernes, il faut nettoyer avec les désinfectants et verser beaucoup d’eau pour bien évacuer la saleté », conseille ce médecin soignant aux cliniques universitaires de Ruwenzori dans la ville de Butembo.
Des solutions possibles
Plusieurs organisations se sont intéressées à la question liée aux toilettes et à l’assainissement dans la ville de Butembo. Il y a quelques années, l’ONG Mercy Corps démontrait comment l’accès aux services d’eau, d’hygiène et d’assainissement adéquats est un défi majeur pour près d’un million d’habitants de la ville de Butembo, un important centre commercial en province du Nord Kivu.
Pour répondre tant soit peu à ce besoin urgent en fin 2024, l’ONG Action pour la promotion de la pisciculture et l’environnement pour une santé saine (APPESSA) a construit un bloc de toilettes modernes au marché de fortune Makasi. Répondant aux questions de la presse, la présidente du Conseil d’administration (CA) de cette ONG a indiqué que ce projet a été rendu possible grâce à l’appui de ses partenaires et la population locale. Selon Kavugho Mastaki Eugénie, ce sont les femmes marchandes qui exercent dans ce lieu, qui ont alerté sur ce besoin.
Visesa Louangel