Depuis environ 5 ans, un phénomène d’extorsion illégale secoue le secteur du transport urbain à Lubumbashi dans la province du haut-Katanga. À l’arrêt Kigoma, un terminus stratégique avant l’entrée au centre-ville, des jeunes imposent une taxe de 1.000 FC à chaque passage de bus. Localement, cette pratique est surnommée « Makuta ya bilari », entendez par là, la taxe des poitrines bombées.
Dans le jargon des jeunes Lushois, « Makuta ya bilari » fait référence à une taxe imposée par des jeunes se considérant comme des Pomba, des durs à cuire, souvent torse bombé et avec une certaine prestance.
« À Lubumbashi, plusieurs jeunes qui se prennent pour des Pomba utilisent le mot bilari, comme s’ils étaient des champions à cause de leurs torses bombés. Makuta ya bilari, c’est l’argent qu’on doit leur payer pour ça », explique Saint Kadima, chauffeur de bus.
Cette taxe n’a rien d’officiel, mais elle pèse lourdement sur les chauffeurs sans secours de l’état. Ce phénomène touche de nombreux conducteurs, obligés de s’acquitter de cette taxe sous peine de représailles.
« Avant de passer l’arrêt Kigoma pour accéder au centre-ville, si nous voulons prendre un passager, il y a des jeunes qui viennent nous obliger à leur donner 1.000 FC. Si je prends 5 passagers à cet arrêt, je dois leur remettre 5.000 FC. Au retour, si je prends deux autres passagers, c’est encore 2.000 FC. L’État congolais perd beaucoup d’argent, et tout cela se passe à 20 mètres du bureau de la police », dénonce Éric Kalombo, conducteur sur la ligne Radem.
Bozo Tshibanda, un autre chauffeur de la même ligne, ajoute : « C’est une habitude. Vu que les autorités n’en parlent pas, que faire ? Nous devons payer pour éviter des problèmes. Les 1.000 FC, c’est leur argent de bilari. ».
Inaction policière pour des raisons politiques
Malgré la proximité du commissariat de la police, aucune action sérieuse n’est entreprise. Le commandant de la police de Kigoma, Wembanyama Augustin, reconnaît la situation mais pointe des influences politiques :
« Ce phénomène est soutenu par une force politique. Vous savez que la police est apolitique. Ces jeunes sont d’un parti politique, l’Unafec. Ce sont eux qui perçoivent cet argent qu’ils appellent Makuta ya bilari. 99 % de ceux qui staffent là-bas sont de l’Unafec. Ce phénomène ne date pas de 2025, il est là depuis longtemps. Nous les avions dispersés l’an dernier après des affrontements avec l’UDPS. C’est un phénomène soutenu par une main politique. Nous attendons l’ordre pour faire notre travail », confie-t-il également à Yabisonews.cd.
La société civile au créneau
Face à cette impunité, la société civile dénonce l’absence totale d’action des autorités.
« L’absence de l’État se fait sentir. Ils savent que ceux qui font tout cela sont de leur parti politique. Voilà pourquoi il n’y a eu aucune intervention jusqu’à présent pour mettre fin à cette extorsion devenue presque normale », déplore Tshoz Kande, membre de la société civile locale à yabisonews.cd.
Du côté de l’Association des Chauffeurs du Congo (A.C.CO), les tentatives de dialogue avec les autorités sont restées sans suite.
« Nous nous sommes plusieurs fois entretenus avec les différents maires de la ville et le ministère des Transports. Ils promettent toujours des mesures, mais rien ne change. Ce n’est pas à nous de faire le travail de l’État. Ce phénomène entraîne même des blessures graves chez certains chauffeurs qui refusent de payer cet argent de bilari », alerte J-3, agent de l’A.C.CO basé à Kigoma.
Cedrick Katay Kalombo