C’est un retour aussi inattendu que symbolique. Le groupe mythique Bana Odéon, pionnier du style Atalaku dans la musique congolaise, s’apprête à faire son grand come-back sur la scène musicale, porté par la ferveur et l’engagement de la jeunesse de Kintambo, leur commune d’origine à Kinshasa.
Pour la première fois en 50 ans de carrière, le groupe va dévoiler un clip vidéo, fruit d’un projet financé par l’Association des jeunes de Kintambo. Dans une interview accordée hier mercredi 30 avril à Yabisonews.cd, le président de l’association, Esdras Wandja, a expliqué les raisons de cette démarche.
Dans les rues animées de Kintambo, un vent de nostalgie souffle depuis quelques semaines. Entre les murmures des anciens et l’enthousiasme des plus jeunes, un nom revient, presque sacré à l’instar « Bana Odéon ». Pendant longtemps, ce groupe est resté enfoui dans les tiroirs de l’histoire, comme un vieux vin oublié dans une cave, précieux mais méconnu du grand public. Aujourd’hui, grâce à une initiative citoyenne portée par l’Association des jeunes de Kintambo, la légende renaît.
Ce sont ces jeunes, fils de la première commune de Kin-la belle, qui ont décidé de ressusciter la mémoire vivante d’un groupe qui, pourtant, a marqué de son empreinte l’architecture sonore de la musique congolaise. Ils ont cotisé, investi leurs modestes économies, acheté du matériel… tout cela pour offrir à Bana Odéon leur tout premier clip vidéo, une première en un demi-siècle de carrière.
« Nous avons appris qu’il y avait à Kintambo un groupe appelé Odéon, pionnier du mouvement Atalaku », raconte Esdras Wandja, président de l’association.
« Ils sont ceux qui ont donné les premiers animateurs à la musique congolaise. Lorsqu’on parle des cris, des animations qu’on connaît aujourd’hui, tout a commencé ici, chez nous, à Kintambo. ». Son regard trahit une fierté mêlée d’émotion. Pour lui et son équipe, il était temps d’honorer les pères fondateurs d’un style aujourd’hui exporté bien au-delà des frontières congolaises.
Au centre de ce projet, une figure se dresse comme un baobab. Ditutala Kwama Makengo, le leader charismatique du groupe. Grand survivant d’une époque révolue, il a connu la gloire, le silence, l’oubli… et aujourd’hui, le frémissement d’un retour inattendu. Assis sous la véranda de sa maison nichée sur l’avenue Inongo, l’artiste parle avec passion, entre souvenirs amers et espoir retrouvé.
« Ces jeunes ne sont pas comme les autres. Beaucoup de leur génération nous regardaient comme un groupe de vieux. Mais eux ont compris que si nous disparaissons sans laisser des traces, c’est une page de l’histoire musicale du Congo qui s’efface. », soutient-il.
Le clip en préparation accompagnera une chanson au titre aussi intrigant qu’éloquent : “Morgue”. Un morceau éducatif, dit-il, dans lequel il a voulu mêler ses cris d’animation emblématiques comme Zekete, à une nouvelle énergie.
« J’ai repris mes anciens cris pour que les gens sachent que c’est bien moi. Mais j’ai aussi apporté des éléments neufs. L’Atalaku est vivant, il évolue. », a-t-il fait savoir.
À l’époque de la création de Bana Odéon, dans les années 1970, les clips vidéo n’étaient pas monnaie courante. Il fallait espérer être invité à la RTNC pour être filmé en live, souvent dans les studios exigus de Mama Angebi. La technologie manquait, les finances aussi. Et puis, peu à peu, les choses se sont effritées. Le départ de membres clés, le manque de soutien, les ambitions personnelles ont contribué au déclin du groupe vers 1983. Même Makengo s’éloigna un temps, rejoignant tour à tour Grand Zaïko et Choc Stars, tout en gardant un œil sur ses anciens compagnons.
« On avait raté une belle occasion après le succès de “12 enfants”, une chanson de Miyalu. Franco voulait l’éditer et nous amener en Europe. Mais les décisions internes ont tout bloqué. On est restés là, à Kinshasa, pendant que d’autres prenaient le large. »
Aujourd’hui, sur les cendres encore tièdes de cette époque glorieuse, Bana Odéon se reconstruit. Dix membres, dont six anciens, relèvent le défi. Parmi eux, Mawungu Ngabudiela. Ensemble, ils forment une petite troupe déterminée, soudée, bien consciente des défis contemporains, mais portée par la conviction de leur mission.
« On n’a plus les moyens d’avoir une grande équipe. Le pays traverse une période difficile. Mais on va faire avec ce qu’on a, » confie Makengo avec humilité.
Créé au début des années 1970, Bana Odéon a connu son apogée avant de décliner vers 1983, miné par le manque de financements et le départ de plusieurs cadres. Ditutala Kwama lui-même avait rejoint successivement Grand-Zaïko puis Choc Stars, tout en continuant à soutenir son groupe d’origine. Le groupe aurait pu percer à l’international après le succès de 12 enfants, une chanson de Miyalu, mais une opportunité manquée avec Franco Luambo les a privés d’une tournée européenne », confie Kwama Makengo.
CTMAMPUYA