RDC – Économie : Quand la baisse du taux de change profite aux commerçants et aux changeurs au détriment du pouvoir d’achat

En République démocratique du Congo, une baisse annoncée du taux de change du franc congolais face aux devises étrangères est souvent perçue comme une bonne nouvelle, en raison de son impact potentiel sur la stabilisation, voire la baisse, des prix des biens de grande consommation. Cependant, depuis plusieurs années, le régime de change flottant entraîne une telle volatilité que le dollar américain peut afficher plusieurs cours différents en l’espace d’une semaine, empêchant ainsi les opérateurs économiques de planifier sereinement leurs activités.

La principale difficulté réside dans le fait que cette instabilité macroéconomique ne se traduit pas par une baisse des prix des produits de première nécessité sur le marché. Les commerçants avancent diverses justifications pour expliquer leur réticence à réviser les prix à la baisse, craignant notamment de subir des pertes. Certains estiment qu’un ajustement des prix ne serait envisageable que si la dépréciation du dollar se maintient sur une période prolongée, garantissant ainsi une certaine stabilité.

Gagnants et perdants

Cette situation crée des gagnants et des perdants bien distincts.

Les changeurs de monnaie figurent parmi les premiers bénéficiaires. Certains affichent des taux sensiblement plus bas dans le but de réaliser des profits spéculatifs. Leur stratégie consiste à acheter des dollars à un cours inférieur pour les revendre ensuite avec une marge confortable, le tout dans un climat d’impunité apparent.

Les commerçants constituent un autre groupe gagnant. Ils maintiennent les prix de leurs marchandises en francs congolais sans ajustement. Après avoir vendu, ils rachètent des dollars au nouveau taux, plus bas, augmentant ainsi la valeur de leur capital en devises. Même si la baisse du dollar s’avère temporaire, ils auront déjà engrangé d’importants bénéfices.

Les grands perdants sont, sans conteste, les citoyens congolais. Puisque la baisse du taux de change ne s’accompagne pas d’une diminution des prix, leur pouvoir d’achat se trouve directement érodé. Par exemple, avec 10 dollars, un Congolais obtenait auparavant 28 000 francs congolais, une somme suffisante pour effectuer ses achats. Aujourd’hui, ces mêmes 10 dollars ne lui en rapportent que 25 000 ou 26 000, alors que les prix des produits restent inchangés. Il subit donc une perte nette d’environ 2 000 francs par transaction. Loin de bénéficier de cette évolution, la population en devient la victime, rendant la baisse du change inutile, voire néfaste.

Question : Pourquoi annoncer une baisse du taux de change si elle porte préjudice au pouvoir d’achat ?

Cette interrogation, bien que légitime, doit être replacée dans son contexte. La faiblesse persistante de la production locale depuis des décennies empêche toute stabilisation durable du taux de change. Sans une relance de l’économie nationale, une baisse du dollar relève davantage de la spéculation que d’une réelle amélioration structurelle. Ainsi, en l’absence de mesures accompagnatrices, une telle annonce reste sans effet positif pour la majorité de la population.

Ambroise Mamba Ntambwe, Journaliste et chercheur en sciences politiques

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