Le cacao et le café figurent parmi les principaux produits agricoles cultivés au Nord-Kivu et en Ituri, dans la partie orientale du pays. Ces produits agricoles tiennent ainsi l’économie de la région.
Joël Methya cultive le cacao à Halungupa, bourgade située dans le secteur de Ruwenzori, territoire de Beni. Il exprime son inquiétude face à la décision de l’UE.
« Nous sommes surpris. C’est une grande inquiétude pour nous cultivateurs d’apprendre que l’Union européenne a décidé de refuser nos produits agricoles sur son marché. Cette décision vient de briser le cœur. Nous sommes déçus de cultiver le cacao. Nous demandons à notre Gouvernement de discuter avec l’Union européenne, car nous savons que nos produits n’ont pas de problème. », a-t-il exhorté.
Le cacao, un support socio-économique à Beni en proie à l’insécurité
« Dans la vie, le cacao aide beaucoup les Congolais. Chez nous à Beni, avec le cacao, la vie est facile, malgré l’insécurité. Les gens ont beaucoup investi grâce au cacao à Beni », a expliqué Joël Methya, cacaoculteur.
Un autre cultivateur, c’est Gérard Kanzalima, qui plaide pour l’implication personnelle du Président Félix Tshisekedi.
« Nous aimerions sentir son implication réelle dans la décantation de cette question pour un dénouement qui favorise les Congolais. Voilà la diplomatie que nous voulons », a-t-il dit.
La Fédération des Entreprises du Congo (FEC), groupement territorial de Beni, a alerté le Ministre du Commerce extérieur sur l’exclusion du cacao et du café congolais du marché de l’Union européenne. Selon la FEC, les opérateurs économiques œuvrant dans le secteur d’exportation du cacao et du café ont été surpris de recevoir des organisations de certification et de la notification du retrait de la RDC de la certification « Fairtrade » d’une part et de l’autre de la certification « Bio » tels qu’il ressort des lettres de Flocert de décembre 2023 et la lettre de l’Africert de décembre 2024.
D’après une correspondance des hommes d’affaires de Beni adressée au Ministre du Commerce extérieur, en date du 17 décembre 2024, le refus de l’Union européenne d’agréer leur demande de conformité est consécutif aux difficultés de déploiement des enquêteurs sur terrain pour cause d’insécurité. Les opérateurs économiques de Beni craignent qu’« à partir de janvier 2025 », leurs produits ne soient plus admis comme produits organiques et équitables sur le marché de l’Union européenne entrainant plusieurs conséquences économiques sociales fâcheuses pour la RDC. La FEC/Beni sollicite l’implication du Gouvernement central du pays, à travers les ministères du Commerce extérieur et de l’Agriculture, pour une solution qui arrangera la partie congolaise au vu des conséquences fâcheuses qu’engendrerait la mise en application de cette mesure.
Un expert, économiste et enseignant d’universités redoute aussi des conséquences fâcheuses de la mesure de l’UE. Le Chef de Travaux Bahati Musabwa cite entre autres la fraude et la baisse des prix de ces produits agricoles.
« Il faut que je souligne que notre économie ici, est basée sur le cacao et le café. Si cette mesure entrait en vigueur, ça va profiter aux pays voisins, notamment l’Ouganda et le Rwanda. Ça ne sera pas une très bonne chose, parce que cela occasionnerait une fraude ».
Et d’ajouter : « Lorsqu’il n’y a pas de débouchés pour un produit, cela va entraîner un surstockage ou une surproduction et le prix va baisser. Et lorsque le prix va baisser, cela va asphyxier les producteurs et ça va profiter plus acheteurs, et les acheteurs en question, vont spéculer sur le prix et automatiquement quand le prix va baisser, ils vont dire, on va acheter à vil prix. Celui qui va perdre, c’est le cultivateur qui n’a pas d’information ».
Prévue le 1er janvier 2025, la mesure de l’UE a été reportée et devrait entrer en vigueur le 30 décembre 2025. Cependant, actuellement, l’on note l’instabilité des prix à Beni. Un kilogramme de cacao se négocie désormais entre 7 et 6 dollars américains au près de certaines sociétés intervenant dans l’achat de ce produit agricole.
Que faire face à la décision de l’UE ?
Le Ministre du commerce extérieur, a, au cours d’un point de presse tenu lundi 30 décembre dernier, jugé « injustifiée » l’exclusion du cacao et du café congolais du marché de l’Union européenne. Julien Paluku a tout de même envisagé une tripartite Union européenne – MONUSCO – Gouvernement congolais, en vue de mener des plaidoyers pour la sortie de la RDC de la liste noire de pays considérés comme ceux qui détruisent l’environnement.
« Nous ne faisons pas de déforestation. Au contraire, nous faisons de la reforestation grâce à nos plantations de caféiers et de cacaoyers », a-t-il insisté.
Alors que l’Afrique subsaharienne contribue faiblement aux émissions mondiales de gaz à effet de serre (4,6 %), la RDC rappelle qu’elle reste un pilier de la lutte contre le changement climatique.
La RDC pourrait ainsi pourrait se tourner vers d’autres marchés, dont ceux de l’Amérique et de l’Asie. Qu’à cela ne tienne, le Ministre du commerce extérieur a fait savoir que, la RDC ambitionne de produire 3 tonnes de cacao d’ici 2030 pour « permettre au pays d’augmenter son Produit Intérieur Brut (PIB) de 30 milliards USD, si l’on vendait la tonne de cacao à une moyenne de 10.000 USD.
Fabrice Ngima