Un an après la signature de l’avenant 5 à la convention sino-congolaise, la coalition « Le Congo n’est pas à vendre » (CNPAV) alerte sur les déséquilibres qu’il engendre et les pertes financières qu’il pourrait causer à l’État congolais.
Lors d’une conférence de presse tenue, ce mercredi 05 mars à Kinshasa, la coalition a présenté son analyse intitulée « Retour sur la renégociation de la convention sino-congolaise : du mauvais au pire ? », dans laquelle elle révèle un manque à gagner estimé à plus de 130 millions USD pour la RDC.
Selon Baby Matabishi, membre du CNPAV, l’accord signé entre la RDC et le Groupement des entreprises chinoises (GEC) en 2008 avait pour objectif de financer des infrastructures grâce à l’exploitation des ressources minières du pays, notamment le cuivre et le cobalt.
« La Chine a largement atteint son objectif grâce à ce contrat du siècle », a-t-il déclaré. « Pendant ce temps, les populations congolaises restent sur leur faim, attendant toujours les infrastructures promises. »
Face aux critiques sur le faible impact de ce partenariat sur le développement du pays, le président Félix Tshisekedi, élu en 2019, avait rapidement annoncé son intention de revoir les termes du contrat.
En mars 2024, le gouvernement congolais et le GEC avaient signé un avenant pour augmenter l’investissement en infrastructures de 3,2 à 7 milliards de dollars. Un premier décaissement de 700 millions de dollars était prévu pour des travaux d’urgence, notamment à Kinshasa et sur plusieurs routes nationales.
Cependant, après analyse du contenu de cet avenant, le CNPAV exprime de sérieuses inquiétudes.
« Nous avons pris connaissance des nouvelles clauses, et malheureusement, nous constatons qu’elles comportent encore de graves déséquilibres », affirme Baby Matabishi. Il pointe notamment du doigt la reconduction des exonérations fiscales accordées à Sicomines, privant l’État congolais de recettes essentielles.
Outre ces exemptions fiscales, la coalition déplore une gouvernance opaque, en dehors des circuits normaux de gestion de l’État.
« Cette convention est un marché parallèle qui échappe au contrôle des institutions compétentes », regrette-t-il.
Après 16 ans d’application, le bilan du partenariat reste globalement décevant, selon le CNPAV. L’avenant 5 introduit également un nouveau mode de calcul des coûts d’infrastructure, indexé sur le cours international du cuivre.
Le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) met en avant un accord selon lequel l’État devrait percevoir chaque année 324 millions de dollars en infrastructures routières pendant près de vingt ans. Toutefois, ces fonds dépendent d’une condition clé : le prix de la tonne de cuivre doit atteindre au moins 8 000 dollars. Si ce seuil n’est pas atteint, les versements pourraient être réduits, voire supprimés, alerte la coalition de la société civile « Le Congo n’est pas à vendre ».
Un autre problème soulevé par cette ONG concerne la limite imposée aux bénéfices de l’État. En effet, même si le prix du cuivre grimpe à 12 000 dollars la tonne, les revenus congolais resteront plafonnés à 324 millions de dollars. Pour que l’État obtienne 30 % de plus, il faudrait que la tonne dépasse les 12 000 dollars, un niveau jamais atteint jusqu’à présent. Selon la coalition, cela représente un manque à gagner de 132 millions de dollars pour l’année 2024.
Ce contrat ne garantit donc aucune rentrée financière fixe, souligne Baby Matabishi, coordonnateur du Centre Carter-RDC et membre de « Le Congo n’est pas à vendre ». « Tout repose sur l’évolution du prix du cuivre, une donnée incertaine qui empêche de considérer ces 324 millions de dollars comme acquis », explique-t-il.
Autre critiques : le montant versé à l’État ne varie pas en fonction de la production. « Comment expliquer qu’une entreprise qui extrait 100 000 tonnes de cuivre verse 324 millions de dollars, alors qu’elle paierait la même somme en produisant 200 000 ou 400 000 tonnes ? » s’interrogent les auteurs du rapport.
Le CNPAV dénonce le maintien d’exonérations fiscales représentant au moins 100 millions de dollars. De leur côté, les autorités assurent que ces concessions seront compensées par la réalisation d’un grand nombre d’infrastructures.
« Ce mode de calcul engendre de nouvelles pertes pour la RDC », souligne Matabishi, insistant sur le fait que cette méthode ne garantit pas un retour équitable sur les ressources du pays.
Face à cette situation, la coalition appelle la Présidence de la République, le gouvernement et le Parlement à agir pour rééquilibrer l’accord.
« Il est urgent que les autorités prennent des mesures concrètes pour protéger les intérêts du peuple congolais », insiste-t-il.
Le CNPAV réaffirme son engagement en faveur d’une renégociation équitable du contrat Sicomines, estimant qu’il doit être repensé pour garantir un avenir économique plus juste pour la RDC.
« Nous ne pouvons pas nous permettre d’être spectateurs d’un accord qui, au final, pourrait continuer à appauvrir le pays alors qu’il est censé financer son développement », conclut Baby Matabishi.
CTMAMPUYA